N° 69 Un parlement Mondial
Olivier Giscard d’Estaing, né à Paris le 30 décembre 1927, est un homme d’affaires et homme politique français.Il est le frère de Valéry Giscard d’Estaing, ancien président de la République française de 1974 à 1981.
Un Parlement Mondial : pourquoi et comment?
par OLIVIER GISCARD D’ESTAING
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L’interdépendance mondiale ne cesse de s’accroître
dans des domaines qui touchent la qualité de vie de
tous les habitants de la planète ; c’est ainsi que le
niveau de l’emploi, la qualité de l’environnement, la santé,
l’alimentation et la sécurité échappent de plus en plus au
contrôle étatique à l’intérieur des frontières
traditionnelles.
Cette globalisation ne résulte pas d’un choix de société ; c’est une tendance séculaire qui connaît aujourd’hui une accélération foudroyante. Elle entretient, en raison des différences de niveaux de vie, excessives et flagrantes , un climat d’insatisfaction générateur de migrations qui ne résolvent rien et de frustrations qui sont source permanente de tensions et d’insécurité. Il faut y remédier.
Un Parlement Mondial : Pourquoi ?
Sur le plan mondial, après l’ échec de la Société des Nations, la seule et remarquable initiative, a la suite de la seconde guerre mondiale, a été la mise en place de l’ensemble que constituent l’Organisation des Nations Unies, ses Agences et les institutions de Bretton Woods. Mais il y a de cela un demi-siècle. Aucune structure mondiale de nature démocratique n’a été considérée, alors que l’interdépendance s’accroissait ; il en résulte un profond malaise, les peuples ne se sentent pas associés aux décisions qui les concernent.
S’il parait utopique d’évoquer un Gouvernement Mondial (utopique réellement ??????), auquel les gouvernements, les milieux politiques et les opinions publiques ne sont pas préparés, il est par contre opportun et possible de mettre en place un Parlement Mondial qui serait une Assemblée représentative des populations,un organe de proposition et de contrôle dans tous les domaines d’implication mondiale, par application du principe de subsidiarité.
Il ne disposerait pas d’un pouvoir législatif, ni d’un pouvoir de décision par rapport aux prérogatives des Etats et des Organismes internationaux, et n’interviendrait pas dans les domaines de politique intérieure. Seuls des parlementaires élus pour assumer cette fonction auraient le temps et la durée pour s’y consacrer.
Un Parlement Mondial : Comment ?
Face au besoin ressenti par les peuples, des solutions démocratiques ont déjà été recherchées ; elles vont dans le bon sens… mais elles s’arrêtent en chemin. C’est ainsi que la CNUCED se proclame “le Parlement de la mondialisation”, qu’il est envisagé de créer une “Institution parlementaire de l’OMC”, que certaines Agences des Nations Unies veulent établir des relations avec des organismes parlementaires, enfin que certains suggèrent d’intégrer des parlementaires dans les délégations nationales pour l’Assemblée Générale des Nations Unies. Il convient d’éviter cette dispersion.
Le Conseil Economique et Social des Nations Unies
(ECOSOC) pourrait avoir pour rôle de parler au nom de la société civile ;malheureusement sa composition et son fonctionnement ne le lui permettent pas, à la différence du Comité Economique et Social de l’Union européenne et du Conseil Economique et Social à vocation purement nationale en place dans une
cinquantaine de pays.
Il existe déjà des Institutions parlementaires à vocation internationale,
qui résultent d’accords internationaux leur donnant une incontestable légitimité : ce sont le Parlement Européen, le Conseil de l’Europe, l’Assemblée Parlementaire de l’OTAN, de l’OSCE ou de l’UEO.
Aucune de ces institutions n’a de vocation universelle. D’autres sont des groupes inter parlementaires - ignorés du grand public - dont le rôle et le fonctionnement mériteraient beaucoup plus d’attention. Certaines ont une vocation “régionale”, comme l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, celles du Commonwealth, du Sud-Est Asiatique ou de l’Amérique Latine ; d’autres ont une vocation spécifique, tel le GLOBE pour l’environnement.
L’Union Inter Parlementaire (UIP) - qui regroupe les Parlements de 139 pays possède, par contre, une tout autre dimension ;
Créée en 1889 elle est particulièrement représentative d’un effort d’intervention parlementaire à vocation mondiale. Elle se saisit des grands problèmes et réunit d’éminents parlementaires ; elle dispose d’une organisation permanente et de qualité et a obtenu le statut consultatif auprès des différentes instances des Nations Unies. Elle joue donc un rôle non négligeable…
Mais, a l’heure actuelle, cela ne suffit pas.
S’est elle vraiment exprimée et a-t-elle été entendue au moment des négociations de l’OMC ? Les populations et les ONG la considèrent-elles comme l’interlocuteur
valable pour faire entendre leur voix et influencer les décisions à portée mondiale ?
Les électeurs connaissent-ils les parlementaires membres de cette institution et les reconnaissent-ils comme investis d’une mission spécifique? Certainement pas. Les Parlementaires pour une Action Globale (PGA) manifestent une même préoccupation, mais se heurtent aux mêmes difficultés. Alors il faut aller plus loin.
Quelle mission pour un Parlement Mondial ?
Une triple mission lui serait dévolue : la proposition, la consultation et le contrôle.
Ses domaines de compétence seraient tous les sujets à dimension mondiale : ce sont pour l’essentiel : la sécurité, la santé, l’environnement, l’ économie, la monnaie, le commerce et les investissements, la lutte contre la misère et pour le développement, le tourisme et les transports internationaux, les droits de l’homme, en particulier ceux des travailleurs. Ce Parlement devrait se saisir de tous les thèmes qui ont fait l’objet d’un Sommet mondial des Nations Unies. Ce sont : la protection de l’enfance et celle de l’environnement, la lutte contre le chômage, la misère et l’exclusion, les droits des femmes, la population et l’habitat. Il apporterait sa contribution au suivi indispensable des engagements pris par les Chefs d’ Etat,il y associerait les principaux acteurs de la société civile.
Quelle légitimité et quelle représentativité pour un Parlement Mondial ?
Comme organisme public international, ce Parlement devrait résulter d’un traité lui conférant son existence ; seuls y seraient représentés les pays ayant ratifié cette convention. L’UIP pourrait être a l’origine de ce Parlement mondial, ce qui lui donnerait la légitimité dont il a impérativement besoin. Serait ainsi créée une institution composée de parlementaires personnellement désignés, pour une certaine durée. Cette désignation se ferait par les parlementaires nationaux euxmêmes
- comme ce fut le cas à l’origine pour le Parlement Européen. Le nombre de parlementaires, par pays et pour l’ensemble, devrait permettre d’assurer une représentation minimale par pays et de ne pas donner une prépondérance excessive aux pays à forte population.
Quelle organisation et quel fonctionnement pour un Parlement Mondial?
L’organisation, le fonctionnement et le choix de son siège devront faire l’objet de propositions et de négociations préparées par une entité à designer. L’usage des moyens modernes de communication facilitera grandement la réalisation de cette première étape, comme le fonctionnement ultérieur de cette institution.
Ce projet paraîtra à certains trop ambitieux et trop en avance sur son temps.
C’est le lot de toutes les grandes créations de notre histoire ; elles supposent la contribution d’hommes ayant une vision des problèmes essentiels, assortie d’une volonté politique pour y apporter les réponses nécessaires
Il correspond a des inquiétudes fortes de notre époque ; il est susceptible de rencontrer un succès considérable auprès des opinions publiques, avec l’appui des milieux politiques et universitaires et avec l’amplification des média. ce sera la grandeur des Parlementaires et des Chefs d’Etat que d’en reconnaître la nécessité et d’en permettre la réalisation.